Des pistes pour éliminer la famine dans la Corne de l’Afrique

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Un camp de réfugiés en Somalie, en juillet 2011.  Un camp de réfugiés en Somalie, en juillet 2011.AFP/ROBERTO SCHMIDT

 Des enfants décharnés, des files de réfugiés en quête de vivres sur des terres désespéremment arides : ce sont les stigmates de la situation humanitaire dramatique que traverse la Corne de l’Afrique, en proie à une sécheresse sans précédent. Une crise pire aujourd’hui qu’il y a quelques années, et qui pourrait encore s’aggraver dans les mois à venir, alors que la prochaine saison des pluies n’est attendue qu’en octobre. D’ici-là, près de 12 millions de personnes risquent une malnutrition aiguë.

 

Mercredi 27 juillet, le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) devait réunir les ambassadeurs des pays donateurs pour faire le point sur la situation en Somalie, pays qui subit de plein fouet la sécheresse et où deux régions ont été déclarées par l’ONU en situation de famine. L’objectif : mettre sur pied des plans d’urgence, mais aussi dessiner des solutions à long terme pour résorber la crise.

S’ADAPTER AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Si les remèdes tardent à voir le jour, les causes du mal, elles, sont connues depuis un moment : la sécheresse extrême donc, la pire depuis un demi-siècle, liée aux faibles précipitations qui ont caractérisé les deux dernières saisons des pluies ; la flambée des cours des principales denrées alimentaires ; et les conflits et guerres civiles qui émaillent le quotidien de ces pays.

Sur le plan climatique, il n’y a pas grand chose que les populations et organisations humanitaires puissent faire. S’il n’est pas encore avéré que les sécheresses des étés 2010 et 2011 soient directement imputables au réchauffement de la planète, ce dernier va, selon les scientifiques, multiplier l’occurrence de phénomènes climatiques extrêmes. La Corne de l’Afrique, touchée tous les cinq ou six ans par le phénomène de la Niña, va ainsi subir des sécheresses plus régulières, espacées d’un ou deux ans.

A défaut d’influer sur le changement climatique, s’y adapter est donc essentiel. “La principale solution passe par le soutien aux petits exploitants agricoles, car ce sont eux qui nourrissent la majorité des populations dans les pays du Sud. Ils développent à leur niveau des techniques agricoles résilientes au changement climatique”, assure Isabelle Brachet, chargée de mission pour l’ONG Peuples solidaires-ActionAid.

 

La sécheresse en Somalie oblige des milliers de familles à se déplacer.

La sécheresse en Somalie oblige des milliers de familles à se déplacer.AFP/ABDURASHID ABDULLE

 AUGMENTER LA QUANTITÉ ET LA QUALITÉ DE LA PRODUCTION

Comment permettre concrètement de maintenir voire d’augmenter la production ? En assurant l’accès à la terre, à l’eau, aux semences et à la formation des agriculteurs, et en particulier des femmes, ce qui est loin d’être une réalité actuellement, répondent les ONG. Quant aux éleveurs, plus durement touchés par la sécheresse mais aussi davantage laissés pour compte par les gouvernements, il s’agit de leur fournir du fourrage, de l’eau et des médicaments pour éviter que des épidémies ne déciment leurs troupeaux. “Dans les zones critiques, on devrait par exemple négocier l’accès du bétail aux pâturages des parcs nationaux et des ranches privés”, avance Isabelle Brachet.

Au-delà de l’aspect quantitatif, l’augmentation de la valeur ajoutée est également nécessaire. “Il s’agit de réorienter la recherche vers les pratiques des paysans pour les améliorer, ainsi que d’investir dans des infrastructures de stockage et de transport afin de leur permettre d’écouler leur marchandise facilement”, explique Jean-Cyril Dagorn, chargé des questions alimentaires et agricoles à Oxfam. Aujourd’hui, entre 30 et 60 % de la production agricole est perdue entre la ferme et le marché, selon la FAO.

Enfin, la question des réserves alimentaires d’urgence, mais aussi sur le long terme, s’avère cruciale pour stopper la volatilité des prix des denrées alimentaires. “Il ne faut plus attendre que la crise survienne pour faire des stocks, estime Isabelle Brachet. Lorsque les quantités sont suffisantes, ce qui a par exemple été le cas au Kenya il y a quelques années, les gouvernements doivent constituer des réserves, tant au niveau national que régional, qui permettront de juguler la flambée des prix agricoles en cas de faibles récoltes.” Car, selon l’ONU, la raréfaction de l’offre a provoqué une flambée des prix de 30 à 80 % dans les zones touchées par la sécheresse au Kenya, et de 270 % en Somalie.

Toutes ces mesures, il n’y a pas de miracle, demandent des fonds. L’ONU a estimé à 1,8 milliard de dollars le montant de l’aide humanitaire nécessaire en Afrique de l’Est en 2011. “On est loin du compte : il manque encore 800 millions et les besoins vont augmenter d’ici la fin de l’été, prévient Jean-Cyril Dagorn. En France, en particulier, l’effort est largement insuffisant : depuis juillet, l’Hexagone s’est seulement engagé sur 5 millions de dollars, contre 29 millions en Allemagne ou 66 en Australie.” Surtout, pour Oxfam, il y a urgence à augmenter la part de l’aide publique au développement consacrée à l’agriculture, qui ne dépassait pas, de 2005 à 2009, 7 % au Kenya et en Ethiopie, et 1 % en Somalie.

RÉSORBER LES CONFLITS

Surtout, aucune de ces mesures n’est réalisable sans une amélioration de la situation géopolitique de la région. “La question alimentaire constitue un enjeu stratégique de pouvoir pour certains groupes ou pays. La résolution de la crise alimentaire passe donc par la résolution des conflits”, assure Philippe Hugon, directeur de recherches, spécialiste de l’Afrique à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

A Mogadiscio, la crise alimentaire est “absolument liée aux destructions causées par la crise somalienne”, déclarait mardi dernier Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement. En cause : les vingt années de chaos politique qui ont suivi l’effondrement de l’Etat somalien, empêchant régulièrement, du fait de l’insécurité, les paysans de cultiver leurs terres et d’acheminer leur production. La prise de contrôle d’une partie du territoire par les shebab a par ailleurs aggravé la situation : ces groupes islamistes radicaux ont interdit la distribution de l’aide par le Programme alimentaire mondial, considérant les ONG comme “anti-islamistes”. Devant l’aggravement de la crise, les shebab ont cependant changé d’avis la semaine dernière et autorisé les agences humanitaires à revenir.

“Il faut maintenant permettre à l’aide alimentaire d’être délivrée de manière pérenne. C’est tout un travail de terrain qui consiste à sécuriser les routes en négociant avec les shebab“, explique Philippe Hugon. Mais certains pays, comme les Etats-Unis, ne cachent pas leur opposition à un dialogue, par peur de voir se renforcer, sur le long terme, l’influence des groupes islamistes liés à Al-Qaida. “Les puissances occidentales cherchent autant à aider les populations locales qu’à éviter que la Somalie ne devienne le terreau du djihadisme islamique. Elle veulent également sécuriser les routes maritimes qui font l’objet d’actes de piraterie fréquents”, ajoute-t-il.

Pour le chercheur, une solution pourrait être trouvée en se tournant vers les factions les plus modérées des shebab : “La communauté internationale doit négocier, par le biais d’interlocuteurs comme l’Union africaine, la Ligue arabe ou l’Organisation de la confédération islamique, avec des franges modérées des shebab, qui pourraient accepter d’assurer la sécurité alimentaire des populations pour gagner une certaine légitimité et asseoir leur pouvoir.”

Des actions diplomatiques seraient aussi nécessaires dans d’autres pays de la Corne de l’Afrique. Les Etats-Unis, par exemple, qui aident militairement l’Ethiopie ou le Kenya, pourraient aussi, selon Philippe Hugon, intervenir et faire pression sur les gouvernements locaux pour qu’ils aident davantage les zones déshéritées qu’ils ont délaissées, afin d’affaiblir les revendications autonomistes de certains groupes rebelles.


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